HISTOIRE DES JEUX

Histoire
Miniature montrant deux chevaliers, un musulman et un chrétien, jouant aux échecs.
XIIIe siècle ( Bibliothèque du monastèrede El Escorial, Espagne)

LES ECHECS


♦ HISTOIRE



C'est à partir de l'an 600 que l'on trouve une trace du jeu d'échecs.
D'origine indo-persanne, ce sont les arabes qui diffuseront le jeu dans le monde à travers les voies commerciales puis l'expansion de l'empire musulman.
C'est ainsi par l'Espagne et notamment l'Andalousie que ce jeu fut connu en Europe.
(mais aussi par l'Italie, le jeu fut aussi diffusé vers les pays d'Europe de l'Est)
A la renaissance, des modifications apparaissent, comme la reine qui devient la pièce la plus puissante, rendant ainsi inutilisables les règles arabes.
Ce jeu n'a connu aucune modification majeure depuis le XVIIe siècle.


♦ ETYMOLOGIE du mot Echec



- " Dictionnaire des mots français d'origine arabe", de Salah Guemriche, Ed du Seuil, 2007, p 348 :

" Du persan, passé à l'arabe "shâh". La forme "échec" vient de la contraction en "é" de l'article "al" dans "al-shâh" prononcé" ash-shah", par agglutination du l, comme dans "al cheikh : ach-cheik".
A cet endroit, j'ajoute : En arabe, les consonnes qui assimilent le lâm de l'article sont dites "lettres solaires". Ce sont toutes des "coronales" c'est-à-dire des consonnes dont la réalisation fait intervenir la pointe de la langue.
Le Shâh signifie roi en perse et le cheikh signifie ici le chef en arabe, le sens générique de cheikh étant le maître, guide spirituel associé à l'idée de vieillard et de sage.
Salah Guemriche poursuit : "en outre, le C final est peut-être du à un croisement de ce mot avec l'ancien français Eschec : butin. Dans les pays arabes, le jeu se dit Chipran'dj, du nom de son inventeur, philosophe et mathématicien persan Schatrenscha..."

Le terme "échec et mat" vient de l'arabe (ash'aah maat-a-) qui se traduit par "le roi est mort".
Cependant, l'expression semble préalablement issue du persan sāh māta, c'est-à-dire "le roi est étonné".
-Selon " The Barnhart Dictionary of Etymology", il y aurait eu une confusion entre l'arabe mata "mort" et le persan mat "étonné".
Shah mat signifierait alors plutôt "le roi est sans défense", le roi étant la seule pièce à ne pas être "tuée", mais à se rendre (la pièce est alors couchée).
Les deux étymologies sont cependant simultanément compatibles puisqu'un roi sans défense est donc étonné et se rend finalement.

- " Dictionnaire étymologique de la langue françoise" édité en 1750, de Gilles Ménage (1613-1692), Source Gallica, bibliothèque nationale de France, 5 pages consacrées aux échecs (p502 -> 506, tome1) :

Ecrit en vieux français, Gilles Ménage a recherché partout les origines de ce mot, à travers le latin, le grec, l'allemand, le perse, ... pour arriver en conclusion p 506 : "Je crois pouvoir conclure de tout cela, que les mots échecs, et échec et mat, ont véritablement leur première origine dans la langue persanne et non dans aucune autre langue."
Notons qu'il écrit p 503 : "Joannes Fabricius, p 144, dans son spécimen Arabicum, en attribue l'invention à un célèbre philosophe et mathématicien persan Schatrenscha" qui a donné son nom au jeu.
(Johannes Fabricius (1587-1617) est un astronome allemand qui a découvert les taches solaires. A également étudié la philosophie, la médecine mais aussi la grammaire, la dialectique et la rhétorique, ainsi que la géométrie, la chronologie et la physique. Membre de l'académie royale des sciences de Prusse.

- Du côté de l'Inde on retrouve le mot chaturanga dans le Râmâyana, texte composé avant notre ère, mais il désigne alors un terme militaire s’appliquant à la quadruple constitution de l’armée (infanterie, cavalerie, éléphants et chars). En outre, les premières références autrefois reconnues pour les échecs en Inde se trouvent démenties ou contestées aujourd’hui. Plus aucun historien ne reconnait d’allusion aux échecs dans le Vâsavadattâ de Subandhu, écrit vers 620.

- Sur ce propos, dans La Grande Histoire de l'Art, volume 15 l'Islam Giovani Curatola, Le Figaro Collection, p105:
"Dans la hiérarchie des pièces du jeu, d'origine indienne et qui simule une guerre entre deux armées, le fou (en italien alfiere) - dérivé d'al-fil (l'éléphant) en arabe plutôt que de l'espagnol alferez, venant à son tour de l'arabe al-faris (le cavalier représenté par le cheval)- est le troisième après le roi et le vizir ( premier ministre transformé en reine dans la version européenne. Dans le combat géré en premier lieu par le roi et son plus fidèle conseiller , quatre armées interviennent : l'infanterie (à pied), la cavalerie( à cheval), les éléphants et les chars. A l'origine, en sanskrit, ces derniers s'appelaient ratha. En persan, ce nom fut estropié par assonance en rokh (l'oiseau mythique, dans de nombreuses cultures : le phénix, garuda), en anglais rook (corbeau freux, mais aussi la pièce du jeu des échecs, pour nous la tour); en italien, l'assonance de rokh avec rocca(tour) est assez évidente. Les formes dans la production islamique devenant plus abstraites et l'éléphant perdant son aspect naturel pour prendre une forme en pointe, une nouvelle dérivation fut celle du mot anglais bishop (évêque)-par voie de ressemblance avec la mitre épiscopale-, terme par lequel on désigne le fou outre-Manche."

Al-Fil
Pièce d'échec en ivoire d'un éléphant - Irak Xe siècle
Musée national de Bargello - Florence - Italie

♦ TEXTES



Les premiers textes en langue arabe mentionnant les échecs datent du VIIIe siècle.


TEXTES EN LANGUE PEHLEVI (perse)


- An 800 : Le "Chatrang-namak" signifiant "Invention des échecs"

Il s'agit d'un recueil perse dans lequel est décrite l'arrivée du jeu d'échec en Perse en provenance d'Inde.
Dame Sarrasine ajoute ici qu'on retrouve ici le nom du mathématicien perse (chatrensha/chatrang).
Le but de ce jeu est de capturer le roi adverse.


- Xe sicle : Le Shah-Namah "le livre des rois"

Abū-l-Qāsim Manṣūr ibn Ḥasan al-Ṭūṣī,"FIRDOUSI" (940 env.-env. 1020) a fixé l'histoire et la culture de la Perse, dans l'immense fresque "Le SHAH Namah" : le livre des rois.
Le jeu d'échec y est décrit, citant dans ce texte un texte plus ancien datant de l'an 600 :
- Le Wizârîshn î chatrang ud nîhishn î nêw-ardakhshîr qui est l’explication du chatrang et l’invention du nard.
Dans ce texte, il est expliqué l’arrivée des échecs à la cour des empereurs Sassanides avec une ambassade d'un roi de l'Inde (Sind actuel, sur les berges de l'Indus). En échange, le Roi de Perse envoya en retour le Nard au roi indien.
Jean-Louis Cazaud "les jeux de parcours à travers les siècles et les continents", Ed Pionissmo, rapporte cette histoire :

"Le souverain d'un petit royaume de l'Inde du Nord avait envoyé son vizir à la cour du roi de Perse, Khorso Ier Anocharvan (531-578), chargé d'un message en forme d'énigme : il demandait aux Persans de percer les mystères d'un jeu nouveau sans quoi ils devraient verser un tribut. Le sage Vazorgmitro devina les règles de ce qui s'avéra être les Echecs, y défit l'ambassadeur indien et lui donna en retour un autre jeu de son invention, Le Nev-artaxser (le Nard), que les hindous ne purent interpréter, cela pour la gloire de la Perse.

- Il est mentionné un autre texte "le Khusraw î Kawâdân ud Rêdag" (Khusraw fils de Kâwâd et son page), qui traite de l’éducation des jeunes princes. Le jeu d'échecs Chatrang y figurait en bonne place, à côté du dressage des chevaux et du nêw-ardakhshîr (le Takhteh Nard).

Les nobles persans tenaient les échecs en haute estime et des tournois d'échecs étaient organisés à Bagdad.


- Tous les textes qui suivront sont très postérieurs aux textes perses.


TEXTES EN LANGUE SANSKRIT (Inde)


L’Inde possède une très riche littérature mentionnant des allusions aux jeux de dés.

- Vers 850 au Cachemire dans le "Haravijaya (La victoire de Shiva) de Ratnâkara", il est écrit une brève allusion aux échecs.

- Au XIIe siècle avec le "Mânasollâsa du roi Someshvara III" intervient la première description complète du jeu, décrivant deux variantes.


EN FRANCE : Le jeu d'échec de Charlemagne.

Dans le dictionnaire étymologique de la langue françoise, de Gilles Ménage, 1750, p 504,
il est écrit :

"...A toutes ces raisons on peut ajouter, ce que j'ai appris de M Auzout, homme de grande érudition, que sous une pièce de ces grands échecs qui sont à Saint-Denis, et qu'on dit être les échecs de Charlemagne, on y lit ces mots arabes : "Min âmel Jousous el-Nakali" qui veulent dire " ex opere Joseph Al-Nakali"...
Source gallica, bibliothèque nationale de France.


♦ LITTERATURE


Chanson de Roland

- La chanson de Roland
En Europe, à la fin du XIe siècle ( 1098), le mot "échec" intervient dans la chanson de Roland,
Conservée sous sa forme la plus ancienne dans un manuscrit copié entre 1125 et 1150 (manuscrit dit d'Oxford) :


"Sur de blancs tapis de soie
sont assis les chevaliers;
pour se divertir,
les plus sages et les vieux
jouent aux tables et aux échecs,
et les légers bacheliers
s'escriment de l'épée."

Traduction J.Bédier, H.Piazza, 1922, p10.


♦ LEGENDES



- Légende indienne du brahman Sissa

Le roi Belkib (Indes, 3000 ans avant notre ère) cherchait à tromper son ennui. Le sage Sissa, fils du Brahman Dahir, lui présenta alors le jeu d'échecs. Le souverain, ravi, demanda à Sissa ce qu'il désirait pour le remercier de ce cadeau extraordinaire.
Sissa demanda alors au prince de déposer un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant la quantité de grain à chaque case et ceci jusqu'à la dernière case. Le prince accorda immédiatement cette récompense apparemment modeste, ignorant qu'il ne pourrait jamais s'acquitter du prix du jeu. En effet, sur la dernière case de l'échiquier, il aurait du poser un nombre total de grains, très largement supérieur à la production mondiale de riz.


- Légende grecque

Palamède, un héros grec de l'Iliade célèbre pour son intelligence, aurait inventé le jeu (en même temps que d'autres) pour distraire les troupes durant le siège de Troie en même temps que développer leur sens stratégique de la guerre.


- Légende Arthurienne

Palamede est un Sarrasin converti au Christianisme devenu un Chevalier de la Table Ronde.
C'est pour avoir importé "le plus noble des jeux" d'Orient que ses armoiries étaient échiquetées de sable et d'argent.